Jean-Paul JOURDAN 1997-2004 |
Expression
écrite |
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Cette page n’a pas la
prétention de traiter de toutes les facettes de la production d’écrit. Elle
voudrait juste tenter un panorama de l’activité d’écriture dans ma classe de
cycle III et essayer de mettre en lumière le pourquoi des choix que j’ai été
amené à faire au fur et à mesure que j’avançais dans ma carrière ; au fur
et à mesure aussi que la technique et les conditions de la classe évoluaient.
Je suis bien loin
aujourd’hui des « rédactions » de mes débuts ! L’écrit sous
toutes ses formes a envahi la classe : écrits vrais et écrits
d’apprentissage, écrits littéraires et écrits utilitaires, écrits éphémères et
écrits de durée, écrits libres et écrits contraints, écrits intimes et écrits
publics. La diversité de l’écrit dans la classe va bien au-delà d’une
traditionnelle typologie formelle des textes.
L’écrit dans une classe
c’est d’abord un outil de communication comme dans la vie avant d’être un objet
d’apprentissage . En cela il va parfois être une porte ouverte sur l’intimité
de l’enfant. Sous forme claire ou codée, par les dits et les non-dits, l’enfant
acceptera ou refusera de livrer un peu de lui. Il me paraît aujourd’hui
indispensable de définir dans la classe un espace d’intimité où l’enfant aura
la garantie de ne pas être jugé sur ce qu’il écrit, ni sur le fond, ni sur
la forme ; et de n’être lu que par des lecteurs qu’il aura lui-même
choisis. Poème pour la fête des mères, récit de la mort d’un animal ou d’un
proche … mails à un correspondant. Dans ces situations, la correction, si l’enfant la demande, ne
pourra plus être que tendresse.
-
un
texte par semaine avec contrainte d’écriture
-
textes
libres à volonté
-
rédaction
d’exposés papiers et présentations informatiques avec seulement des suggestions
de thème
-
échanges
courrier électronique
-
rédaction
des réponses (math, histoire, géographie, sciences) exemple- (documents guerre de 14,
pasteur etc …)
Ce peut être une contrainte
de contenu ou une contrainte formelle . Au fil des années, je me suis
éloigné des sujets « fermés » Quelques idées.
contraintes de
contenu :
-
un
texte triste à mourir
-
un
texte gentil
-
un
texte méchant
-
un
texte fantastique
-
un
texte d’aventure
-
un
texte de sciences fiction- écrire un texte où tu es une petite souris qui
regarde la classe et dis ce qu’elle y voit d’extraordinaire …
-
un
texte poétique
-
un
texte où tu défends une cause
-
un
texte où tu accuses …
contraintes formelles :
-
un
texte qui comporte une dialogue entre deux, trois … personnes
-
un
texte qui raconte une histoire (un récit)
-
un
texte qui contient le plus possible de description. (portrait d’un animal ou
d’un proche … jeu des portraits dans l’école … le texte caméra)
-
une
suite de texte
-
le
milieu d’un texte
-
un
texte où tu te décris en train de faire quelque chose mais où tu parles de toi
en disant « il » ou « elle »
-
un
texte avec plein de « j e » mais où le « je » ne soit
jamais toi.
-
un
texte qui recherche des rimes
-
un
texte à la manière de … exemple (sur
une structure d’alternance)
-
Le temps de l’écriture c’est :
-
le délai, c’est à dire le temps qui s’écoule entre le moment où l’enfant sait
ce qu’il doit écrire et le moment où il va devoir rendre l’écrit. Je donne
presque toujours les textes avec contrainte d’écriture au moins une semaine à
l’avance. Cette prise en compte du temps ne correspond certes pas aux
conditions d’un examen, mais correspond bien aux situations de la vie de
collégien, de citoyen, d’ami(e) …
-
le
temps donné pour écrire qui ne doit pas être limité. Cela suppose bien
sûr de fonctionner avec un plan de travail mais c’est tellement important. Le
temps passé sur un texte va pouvoir varier de quelques dizaines de minutes à
plusieurs heures … Il est important que l’enfant puisse disposer du temps dont
il a besoin pour mener à terme son projet d’écriture.
-
le
choix du moment où l’enfant va écrire.
Ce n’est qu’une fois par
période (un texte sur 4 environ) , pour l’évaluation, que je supprime le délai
et que je contrains le moment et le temps.
Chaque enfant, ou plusieurs
enfants ensemble, peuvent décider d’écrire un texte sur le temps du TI que je
laisse à disposition de l’enfant. Les textes alors produits sont
« libres » sous tous les aspects :
-
libres
de par leur sujet (absence de contrainte d’écriture)
-
libres
pour leurs auteurs (un ou plusieurs)
-
libres
d’être publics ou privés
-
libres
d’être menés au bout (avec impression
ou copie au propre) ou laissés au stade du brouillon (pour lecture à la classe
par exemple, création de sketches …)
-
libres
d’être ou non corrigés
Ce que je cherche ainsi,
c’est à garantir aux enfants un temps pour écrire en réponse à une envie
d’écrire. Cette possibilité est souvent utilisée par les enfants pour créer de
petites pièces de théâtre lues à la classe.
En situation d’évaluation, (un texte sur 4 ) j’utilise une grille d’analyse critériée qui
tente de repérer :
La qualité la syntaxe et de
la ponctuation. (analyse transversale dans toutes les situations d’écrits)
La qualité de la
présentation et de la mise en page
La qualité de l’orthographe
(analyse transversale des conditions d’orthographe spontanée)
La cohérence des temps
La qualité de la gestion de
la reprise (pronominalisation)
Je mets une « note »
à la lecture du texte par l’enfant à la classe et une autre à la lecture du
texte écrit.
Mon logiciel d’évaluation me permet ainsi de repérer
certains besoins de certains enfants que je vais travailler soit sur d’autres
situations ( notamment par un travail de lecture :repérage de la
pronominalisation, repérage de l’implicite) et aussi dans les moments que je
peux passer avec chacun (magie du TI) au moment de la mise au propre à
l’ordinateur.
En situation d’apprentissage,
c’est
essentiellement pendant que les enfants tapent leur texte à l’ordinateur
pendant le TI que je suis disponible pour les aider à la correction. Dès que je
perçois que cela devient pénible pour l’enfant, je propose moi-même d’autres
solutions d’écriture … sénilité précoce ou constat que la correction nourrit
bien peu l’enfant ?
La correction orthographique
du traitement de texte est un auxiliaire précieux.
Une validation intervient
aussi chaque fois qu’un enfant ou un groupe d’enfant lit un texte à la classe.
La règle, c’est le non-jugement, mais l’enfant prend souvent conscience,
à la lecture, des lacunes de son texte et parfois, l’accueil du public valide
des qualités du texte pas forcément scolairement validées.
Il y a bien sûr les textes
que l’on va pouvoir écrire pour un « journal » (je n’en fais pas une
pratique régulière) , une page d’un site, une annonce pour un spectacle etc. et
qui trouvent naturellement leur public.
Il y a aussi tous ces textes
que l’enfant écrit et qui pourront de toute façon avoir au moins la classe
comme public si l’enfant le souhaite. Cela demande souvent du temps et c’est
parfois rébarbatif, mais outre le fait que cela rend « visibles » les
bons textes, cela remplit une fonction première des textes, celle d’être
lus !
Le principe général est le
non-jugement mais il arrive que la discussion s’engage, que des demandes de
précision surgissent.
Cela s’appelle
« correction » , « jugement », relevé indélicat des
maladresses formelles et dans une certaine mesure même ces « grilles de
relecture » qui ne portent jamais sur l’essentiel du « ce qu’on avait
à dire » et qui sont incapables de rendre compte de la validité d’
« intérêt » d’un texte.
Cela s’appelle temps
limité , contraintes formelles ou de contenu excessives …
Mais alors, comment l’enfant
apprend-il à écrire ; comment l’aider à progresser ?
Au rang de ce qui peut aider
l’enfant à écrire je mettrais :
-
la
copie ! C’est en recopiant puis en plagiant des textes que l’enfant va
pouvoir progresser. C’est particulièrement sensible pour les exposés. Dans un
premier temps, l’enfant va copier des textes qu’il ne saurait pas produire lui
même. Puis peu à peu il va les adapter à ses besoins, les modifier et on
s’aperçoit que peu à peu il devient capable d’écrire tout seul …
-
la
visibilité de ce que font les autres et de la réaction des autres par rapport à
ma production d’écrit.
-
la
richesse de la vie et de la culture qui fait que l’on a ou n’a pas des choses à
dire. (et l’école peut jouer un rôle important pour faire de la classe un lieu
de partage de cette culture.)
-
toutes
les conditions minimales à la communication : sécurité, intimité parfois,
convivialité …
Jean-Paul JOURDAN maj novembre
2004